Pourquoi publier un atlas des inégalités ?
Contrairement à de nombreux pays, les inégalités de revenu ont assez peu augmenté en France depuis la crise de 2008. Mais cela masque un net accroissement des inégalités spatiales. Elles prennent deux formes : la métropolisation, c’est-à-dire la concentration des richesses et des capacités dans les grandes agglomérations, et l’accroissement des différences entre de vastes régions du pays. Seul un atlas pouvait disséquer ce double phénomène.
L’atlas montre, d’une part, que la métropolisation s’accentue : cadres, revenus élevés, jeunes diplômés sont de plus en plus fréquents dans les grandes villes, de moins en moins dans les zones rurales. Ainsi les cadres qui étaient encore souvent présents comme ingénieurs dans des régions industrielles, il y a trente ans, se sont-ils regroupés maintenant dans les métropoles où ils occupent souvent des emplois tertiaires. D’autre part, des phénomènes comme le chômage, le décrochage scolaire, les faibles revenus, la fréquence des familles monoparentales… se sont accentués en ville comme à la campagne dans de vastes zones du Nord-Est de la France, dans la vallée de la Garonne, et autour de la Méditerranée. à l’inverse, ces difficultés ont été mieux jugulées dans le grand Ouest, une large partie du sud-Ouest, le Lyonnais et l’Alsace.
Les deux mouvements, métropolisation et régionalisation, se différencient socialement. Les professions intermédiaires et les cadres sont d’autant plus diplômés qu’ils résident plus près du centre des métropoles – ceci dans toute la France, à Toulouse comme à Lille ou à Paris. Au contraire, les plus diplômés des classes populaires (employés et ouvriers pour l’Insee) se concentrent dans les régions les plus favorisées qui viennent d’être citées, villes et campagnes confondues. La métropolisation s’explique aisément par la concentration des activités supérieures dans les grandes agglomérations, sièges de grands groupes, de laboratoires de recherches, d’universités, de grandes administrations. Mais l’existence et le renforcement de vastes zones homogènes, soit en bonne, soit en mauvaise condition, sont a priori plus étranges.
Pourquoi les inégalités régionales se développent-elles ?
Les zones les plus favorisées aujourd’hui sont soit les anciennes régions catholiques, soit les anciennes régions où la famille traditionnelle comprenait trois générations (familles souches). Religion et famille ont, en effet, développé de plus forts liens d’entraide entre proches. Elles ont ainsi contribué à la constitution de « couches protectrices », pour reprendre la terminologie de Joseph Schumpeter. Les classes populaires y trouvent une entraide que l’État ne peut plus assurer, entraide moins développée dans les régions les plus anciennement républicaines et laïques.