La manipulation, pilier de l'économie ?

L’idéal de l’équilibre de marché a du plomb dans l’aile face aux influences sur les agents économiques. Tour d’horizon des petites et grosses manipulations qui nous guettent.

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Vous flânez dans les allées d’un supermarché pour vos courses de la semaine. Vous êtes a priori libre de vos achats et, si vous êtes un consommateur averti, vous veillerez à ce que les prix ne soient pas excessifs, de même qu’à la qualité des aliments ou cosmétiques que vous mettez dans votre chariot. Personne en vue pour vous manipuler. Vous allez passer devant des produits dont vous n’avez pas tellement besoin mais qui vous tentent. La première manipulation est déjà en place : les étals de supermarché sont conçus pour que vous craquiez sur des produits dont vous n’avez aucune nécessité. Peut-être êtes-vous suffisamment averti pour ne pas tomber dans le piège. Mais poursuivons le chemin. Arrivé à la caisse, vous décidez de payer par carte. Alors que vous la dégainez, vous vient-il à l’esprit que vous êtes disposé à payer davantage pour le même produit par carte bancaire qu’avec un autre moyen de paiement ? Le psychologue Richard Feinberg l’a démontré au moyen d’expériences sur des groupes de sujets qui ne différaient que par un seul critère : la possession ou non d’une carte bancaire au moment de régler ses achats. Le résultat est sans appel. Lorsque nous payons par carte de crédit, nous sommes disposés à payer plus qu’en liquide. Dans ses expériences, les différences varient de 11 % à plus de 50 % du prix selon les produits, mais toujours dans le même sens. Les entreprises et les banques l’ont bien compris, et poussent les consommateurs depuis des décennies à utiliser la carte de crédit, au moyen de campagnes de publicité et en proposant le paiement par carte comme un moyen simplifié de régler ses achats. La carte bancaire est devenue tellement incontournable qu’il est difficile de s’en passer. Les petites manipulations en économie sont présentes partout dans notre quotidien, souvent indécelables…

Ian Ayres et Peter Siegelman, , vol. LXXXV, n° 3, janvier 1995. George Akerlof et Robert Shiller. Odile Jacob, 2016.