La naissance d'une cause collective

La notion de féminisme apparaît à la fin du 19e siècle. Pourtant, dès la Révolution française, des femmes militent pour obtenir des droits égaux à ceux des hommes.

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Le mot «féminisme» est introduit tardivement au 19e siècle. En 1872, Alexandre Dumas fils en use pour railler les femmes, soucieuses d’obtenir l’égalité des droits entre les sexes. Le concept sera repris très vite par d’autres femmes qui lui donnent son acception moderne. Les 18e et 19e siècles sont pourtant riches en discours et pratiques de femmes qui œuvrent en faveur de l’égalité en mettant en cause un statut qui les place sous la tutelle du père et du mari. Cette infériorité légale est justifiée par des préjugés qui excluent « le beau sexe » du domaine de la raison, ce que de rares écrits tels ceux de François Poulain de la Barre, au 18e siècle, contestent. Ce cartésien ouvre la voie à la revendication d’un droit à l’instruction égale à celui des hommes, tandis que Jean-Jacques Rousseau, à la même époque, préconise de ne doter les femmes que de savoirs utiles à un rôle domestique conçu comme un compagnonnage de l’homme, à qui la fonction publique est réservée.Nicolas de Condorcet préconise, en vain, l’admission des femmes au droit de cité (1790). Il critique les préjugés relatifs à l’infériorité supposée naturelle des femmes et prône l’égal accès à l’instruction et aux droits politiques.

Olympe de Gouges, guillotinée après avoir été accusée de s’être comportée en « homme d’État », passe à la postérité en pionnière du féminisme. Ses pamphlets et pièces de théâtre politiques (L’Esclavage des Noirs, 1784) et surtout sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), révèlent les contradictions des révolutionnaires. Ceux-ci placent l’égalité et la liberté aux fondements de la société nouvelle, sans comprendre les femmes dans l’universalité des fondements républicains. Pourtant, par leur mobilisation et leurs interventions (comme lors des grandes journées de la Révolution française, les 5 et 6 octobre 1789), dans les clubs, à la tribune, dans la presse, les femmes participent pleinement à la vie de la cité. En revendiquant leur appartenance au peuple souverain, elles s’initient à la politique dans des sociétés fraternelles, mixtes ou pas, à l’exemple du Club des citoyennes républicaines révolutionnaires, fondé le 10 mai 1793 par Pauline Léon et Claire Lacombe. Certaines agissent seules, comme Théroigne de Méricourt qui exhorte les citoyennes à prendre les armes.

Les avancées sont notoires dans le domaine des droits civils. Le divorce devient légal en 1792 et l’éducation des filles est largement dispensée au sein des écoles républicaines, lesquelles ouvrent en 1793. Pourtant, sous la Terreur, les femmes sont réduites au silence, toute prise de parole publique leur étant refusée (décret Amar du 30 octobre 1793).

En 1816, le droit au divorce est aboli

La rhétorique d’une supposée nature féminine, inférieure, en sort renforcée et les contemporains de l’Empire comme ceux de la Restauration recourent à un féminin mythifié. Ils écartent les femmes du droit commun en réduisant leur rôle social à la fonction maternelle. Le code civil de 1804 soumet les femmes à la tutelle maritale ; la loi consolide l’autorité du mari et père de famille, dans le domaine économique, administratif, comme dans l’espace privé. En 1816, le droit au divorce est aboli. Pourtant des femmes lettrées, aristocrates et filles des Lumières, diffusent les idées émancipatrices, telle Constance Pipelet, princesse de Salm, auteure de l’Épître aux femmes (1797) ; tandis que Germaine de Staël, exilée en Suisse, en butte à la vindicte de l’Empereur, dénonce la régression de la condition féminine dans ses romans, Delphine en particulier. Un réformateur, qualifié d’utopiste, Charles Fourier, en 1808, fait de l’émancipation féminine la condition de tout progrès général des sociétés.La révolution de juillet 1830 en France, instaure une monarchie constitutionnelle. S’ouvre une ère de liberté exceptionnelle dans de nombreux domaines (presse, association, liberté d’expression, etc.)… jusqu’aux lois répressives de septembre 1835.