Le bien-être, une question de mesure

La croissance économique fait-elle le bonheur ? L’idée, presque indiscutable voici un demi-siècle, est aujourd’hui radicalement mise en question. 
Les économistes eux-mêmes ont contribué à interroger la réduction du bonheur – individuel et collectif – au bien-être matériel.

L’un des principaux résultats de l’économie du bonheur (qui va chercher des appuis dans les travaux de psychologie, voire de neurosciences) est d’avoir relativisé la corrélation entre richesse et bonheur qui, sans évidemment être nulle, est cependant loin d’être mécanique. Des avancées qui, jointes aux réflexions critiques plus récentes sur les limites de la croissance économique, ont débouché sur une mise en question de la pertinence du produit intérieur brut (PIB) comme indicateur de progrès social. Symbole de ce changement de regard, la commission Stiglitz, mise en place par le président français Nicolas Sarkozy en 2008, avait souligné l’importance d’une mesure de la « qualité de la vie » qui s’étende bien au-delà de la seule production économique 1. Parmi les critères à prendre en compte, selon le rapport de la commission : la santé, l’éducation, les liens sociaux, la participation à la vie politique, mais aussi les « conditions environnementales » ou l’insécurité, qu’elle soit physique (risque d’agressions) ou sociale (précarité). C’est d’ailleurs ce que font déjà un certain nombre d’indicateurs qui, en choisissant certains critères et en leur affectant une pondération spécifique, mettent en évidence une tout autre image du bien-être. L’indice de développement humain (IDH), publié par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) depuis les années 1990, prend ainsi en compte la santé (espérance de vie à la naissance), l’éducation (taux d’alphabétisation et de scolarisation) et la richesse (revenu par habitant). En tête de classement en 2009 : la Norvège, suivie de l’Australie et de l’Islande. Les États-Unis, première puissance économique mondiale, ne sont que… treizième. En France sont apparus des indicateurs sociaux tels que le BIP 40, baromètre des inégalités et de la pauvreté qui, singeant le fameux CAC 40, incluait des données relatives à l’emploi, à la santé, au logement, à la justice. Sa hausse continue (il n’est plus mis à jour depuis 2005) traduisait la fragilisation des conditions de vie des plus modestes, malgré la hausse, elle aussi continue, du PIB 2