Le connexionnisme. Les assemblées de neurones

Dans le sillage du cognitivisme, le connexionnisme élabore des modèles informatiques qui visent à simuler des phénomènes d’apprentissage par des réseaux de neurones artificiels. L’un des objectifs ultimes est de rivaliser avec la complexité du cerveau humain.

Lorsque les sciences cognitives se constituent dans les années 1950-1960, deux principales conceptions de la pensée humaine émergent parallèlement : le cognitivisme et le connexionnisme. Le premier voit la pensée comme une manipulation de symboles, combinés par des règles abstraites d’inférence. Selon le second, la pensée émerge de l’activité de plusieurs processeurs élémentaires, conçus généralement sur le modèle des neurones du cerveau humain. Massivement connectés les uns aux autres, leur fonctionnement en parallèle permet de coder et de reconnaître des « formes ». Celles-ci peuvent être des objets particuliers ou des catégories d’objets (des visages, des lettres…), mais aussi des transformations types (la conjugaison de verbes, le raisonnement…). Fait remarquable, les mêmes modèles permettent de concevoir également des interactions sociales, par exemple des processus d’influence : les cellules élémentaires représentent cette fois des individus plutôt que des neurones.

 

La loi de Hebb

Dans L’Homme neuronal (1983), Jean-Pierre Changeux fait remonter à Démocrite la localisation de la pensée et de l’intelligence dans le cerveau. Malgré les ressemblances qui existent entre la conception de Démocrite et la conception connexionniste, c’est dans les années 1940-1950 que les fondements théoriques du connexionnisme sont établis. En 1943, une première étape est atteinte par Warren McCulloch (1899-1969) et Walter Pitts (1923-1969) qui exposent le fonctionnement du système nerveux à partir du comportement des neurones, dont ils produisent une description simplifiée. Ils montrent que des neurones binaires peuvent calculer des fonctions logiques, et traiter, à ce titre, de l’information symbolique. Une seconde étape importante intervient en 1949, lorsque Donald Hebb (1904-1985) produit une explication du fonctionnement de la mémoire. L’intuition théorique de D. Hebb est que nos apprentissages, à l’échelle du cerveau, sont le fait d’une modification des connexions qui relient les cellules nerveuses entre elles, et par lesquelles transitent les influx nerveux, à l’intensité variable. D. Hebb énonce la loi qui porte son nom : une connexion entre deux neurones est renforcée chaque fois qu’ils sont activés simultanément. Une conséquence fondamentale de cette hypothèse est que la connaissance acquise (des souvenirs, des savoir-faire, des savoir-dire…) est stockée non pas au niveau des neurones, mais au niveau de leurs connexions. Une autre idée importante introduite par D. Hebb est celle « d’assemblée de neurones » : nos expériences de pensées ont pour base l’entrée et le maintien en activité simultanés d’un très grand nombre de neurones (des milliards potentiellement), regroupés en assemblées. La pensée, en tant que processus dynamique, devient alors l’activation en séquence de larges assemblées de neurones.

• Jean-Pierre Changeux, 1983, rééd. Hachette, 1998.• James L. Mc Clelland et David E. Rumelhart, MIT Press, 1986.• Jean-Pierre Nadal, Armand Colin, 1993.• Hervé Abdi, Presses universitaires de Grenoble, 1994.• Francisco J. Varela, Seuil, 1996.• Rui Da Silva Neves, 1999, rééd. Armand Colin, 2003.