Le film de la vie Le développement psychologique de la naissance à la mort

Après la psychologie du développement, c’est au tour de la psychologie du vieillissement de prendre son envol. Mais quelques chercheurs travaillent désormais sur le développement tout au long de la vie, que ce soit sur les plans intellectuel, affectif ou émotionnel…

Le jour de mes 50 ans, un ami m’a offert en cadeau la reproduction d’une gravure ancienne Le Cours de la vie de l’homme. Cette gravure, qui date du début du 19e siècle, représente, décennie par décennie, un couple aux différents âges de la vie. À 50 ans, l’homme et la femme sont censés être au sommet de l’existence ! Selon ce schéma de vie très flatteur, la mort est programmée à 100 ans, ce qui paraissait très optimiste à une époque où l’espérance de vie était bien inférieure à aujourd’hui. Il est vrai qu’on mourait avant tout d’autre chose que de vieillesse et celui qui échappait aux maladies, accidents et guerres pouvait toujours espérer devenir centenaire. Ce fut le cas de Fontenelle par exemple (1654-1754) qui est mort à 100 ans. Jusqu’à la fin de sa vie, il aura même gardé l’esprit vif et pétillant, continuant à distiller quelques bons mots : « À mon âge, je n’ai aucun ennemi : ils sont tous morts ! » ou encore « Il est temps que je m’en aille ! Je commence à voir les choses telles qu’elles sont ! »

Le tableau des âges de la vie produit un autre effet saisissant : en une seule image, tout le développement humain défile en raccourci. Cette vision panoramique de l’existence nous est rarement donnée. S’il nous arrive de nous projeter dans l’avenir ou de nous plonger dans le passé, le regard sur notre vie n’est jamais aussi synthétique. La psychologie non plus n’envisage pas le développement sous une vue aussi panoramique. La psychologie du développement, née au 20e siècle, se focalise sur le monde de l’enfant et de l’adolescence ; ce n’est pas un hasard : la psychologie de l’enfant est contemporaine du baby-boom. Depuis que les baby-boomers se sont transformés en cohortes de papy-boomers, c’est maintenant au tour de la psychologie du vieillissement de se déployer.

Seuls quelques rares travaux sur le life span development (le développement tout au long de la vie) tentent de dépasser le découpage en âges et domaines spécialisés. Le développement psychologique tente de rompre à la fois avec le découpage en âges, mais aussi en domaines séparés : croissance physique, intelligence, langage, émotion, personnalité, relations sociales, etc. pour tenter de penser la dynamique de l’existence dans sa globalité.

Qu’est-ce qui nous fait grandir ?

Commençons par le commencement. Tout ne commence pas à la naissance mais bien plus tôt, au moment de la fécondation. Au départ, une cellule est fécondée. Elle va se démultiplier à une vitesse prodigieuse pour donner un corps de 60 000 milliards de cellules ! Ce big bang créatif se réalise selon un ordre précis pour construire ces organes ultraperfectionnés que sont les yeux, les bras, l’estomac, les os ou les muscles. La seule production des quelque cent milliards de neurones de notre cerveau se réalise en quelques mois à la vitesse de 2000 neurones par seconde ! Ce processus global de morphogenèse n’est pas commandé comme on l’a cru jusqu’au début du 21e siècle par l’ADN. Désormais, la prise en compte des phénomènes épigénétiques oblige à penser la construction de l’organisme comme une cascade de déterminismes qui s’enchaînent et non comme un programme entièrement écrit au cœur du génome.