Le grand récit du cerveau triunique a été forgé par Paul MacLean au début des années 1950. Cette théorie des « trois cerveaux en un » allait connaître ensuite un succès mondial à partir des années 1970.
Selon cette théorie, le cerveau humain s’est construit au cours de l’évolution en trois grandes étapes :
1) Le cerveau reptilien. Situé sur le tronc cérébral, il est responsable des comportements archaïques liés à la survie : se nourrir, se reproduire, fuir ou combattre. Ces comportements instinctifs et réflexes seraient fortement stéréotypés et ritualisés. Ce sont les comportements de base des reptiles et des poissons.
2) Le cerveau limbique, venu se greffer sur le cerveau reptilien. Par système limbique, P. MacLean désignait la partie centrale du cerveau (composée de nombreux noyaux et ganglions) (1), qui fut dès lors considérée comme le « centre des émotions ». Outre celui des émotions de base – peur, colère, plaisir… –, le système limbique était considéré comme le siège des comportements de maternage que l’on observe chez les mammifères, permettant la vie en commun et les soins parentaux à l’égard de leurs petits.
3) Le néocortex, apparu plus tardivement dans l’évolution, est la partie du cerveau située sur la couche externe des deux hémisphères cérébraux. Particulièrement développé chez les primates supérieurs (dont les humains), il était clair pour P. MacLean que le néocortex était le siège des activités cognitives les plus élaborées.
Cerveau reptilien, cerveau mammalien et néocortex : comme l’indique le sous-titre du livre de P. MacLean, Les Trois Cerveaux de l’homme (Robert Laffont, 1990), « trois cerveaux hérités de l’évolution coexistent difficilement sous le crâne humain ».
S’ils cohabitent difficilement, c’est que chacun de ces trois cerveaux cherche à faire valoir ses droits. De temps à autre, le cerveau reptilien impose sa loi et l’humain redevient un animal fruste, mû par ses instincts de survie.
Parfois, le système limbique prend les commandes et nous nous comportons comme des mammifères sociaux, avec nos comportements claniques et les émotions associées, comme cette chatte qui déborde d’affection pour ses petits et devient une furie sauvage face aux menaces. Ainsi, pour le cerveau limbique le monde se divise en deux : ami ou ennemi.
Enfin, le néocortex, dernier venu et la plus sophistiquée des structures cérébrales, est responsable des fonctions cognitives les plus élaborées, et cherche à prendre des décisions sages et mesurées.
L’écrivain Arthur Koestler le dira à sa manière, plus imagée : « Pour parler allégoriquement de ces trois cerveaux dans le cerveau, on peut imaginer que le psychiatre qui fait étendre son patient lui demande de partager le divan avec un cheval et un crocodile (2). »
Le cerveau reptilien n’est pas ce que l’on croit
Cette histoire des trois cerveaux, simple et éclairante, allait connaître un grand succès populaire. Outre A. Koestler, elle fut reprise par Carl Sagan et d’autres vulgarisateurs scientifiques puis poursuivie dans les séminaires de formation. Ce modèle permettait de rendre compte de la complexité des comportements humains, tiraillés entre instincts archaïques, émotions et intelligence. Encore aujourd’hui, de nombreux auteurs, parfois même dans la communauté scientifique, lui accordent quelque crédit.
