Le syndrome de l'éternel étudiant

Stages, petits boulots, service civique, alternance… Les jeunes peinent aujourd’hui à s’insérer dans l’emploi dès la fin de leurs études.

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En trente ans, l’élévation du niveau de formation, combinée aux crises économiques successives, a repoussé les limites de la jeunesse : à 21 ans, 44 % des jeunes sont encore scolarisés (contre 19 % en 1985) 1 et devront attendre en moyenne jusqu’à 27 ans pour obtenir leur premier emploi stable (contre 20 ans en 1975) 2. Pourtant, ces évolutions sont loin de traduire les trajectoires des jeunes dont la première expérience d’emploi est souvent bien plus précoce : « Environ un jeune sur deux travaille pendant ses études, et cette proportion est stable depuis vingt ans. En revanche, on observe une porosité de plus en plus grande entre études et emplois », explique Jean-François Giret, directeur de l’Institut de recherche sur l’éducation (Iredu) et coauteur d’un ouvrage sur le travail étudiant 3. Le chercheur note ainsi une diversification de l’emploi étudiant par le biais du statut d’autoentrepreneur, ainsi qu’une augmentation massive du recours aux stages depuis 2007, avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, qui a revalorisé la mission de professionnalisation de l’université : « Outre l’essor des licences et masters professionnels, de plus en plus d’étudiants choisissent d’effectuer des stages, même lorsque leurs filières n’en requièrent pas. De plus, la crise sanitaire a conduit à la création d’aides financières particulièrement élevées pour inciter les employeurs à embaucher en alternance. »

Survivre et se démarquer

Plus souvent confrontés au monde du travail durant leurs études, les jeunes sont aussi plus nombreux à retourner en formation à peine insérés dans l’emploi. Selon Alexie Robert, chargée d’étude au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), environ 23 % des jeunes sortis du système éducatif en 2010 ont repris des études de plus de six mois au cours des sept premières années de vie active, contre 14 % de ceux sortis en 1998 4 : « Il s’agit souvent de jeunes n’ayant pas obtenu le diplôme visé ou titulaires d’un diplôme non professionnalisant, qui ont connu des emplois précaires et des périodes de chômage. » Enfin, la dernière décennie a été marquée par le remplacement des emplois aidés par le service civique, dispositif réservé aux jeunes de 16 à 25 ans désireux de s’engager dans une mission d’intérêt général : « On pense à tort que les jeunes sont de plus en plus éloignés de l’emploi. En réalité, ils travaillent, mais leur activité n’est plus étiquetée comme tel », constate Florence Ihaddadene, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Picardie et spécialiste des services civiques.