Le temps des bons sentiments

Jean-Marie Théodat avait construit sa vie en France. Ce Haïtien devenu professeur agrégé de géographie et maître de conférences à La Sorbonne a décidé de « lever l’ancre (1)». Après le séisme survenu dans son île natale en janvier 2010, il a abandonné le confort d’une vie professionnelle et familiale réussie pour revenir en Haïti où il s’est installé sous une tente. « Le réconfort que j’apporte importe plus que la précarité », écrit-il dans son blog où il relate le quotidien de ce petit pays dévasté par le tremblement de terre. Et il a décidé d’y rester pour remettre sur pied l’enseignement supérieur.

 

Les bataillons d’aidants sociaux

Odon Vallet, historien français des religions, consacre depuis dix ans un héritage substantiel légué par son père à doter de bourses des étudiants sans ressources, du Bénin ou du Viêtnam ou de tous les pays du monde. Il s’est vu attribuer par le journal Capital « la médaille de l’altruisme ». Bill Gates a choisi de verser à plusieurs fondations la quasi-totalité d’une fortune de quelque 30 milliards de dollars plutôt que de la transmettre à ses enfants… Avec Warren Buffet, ils sont devenus des « philanthropes planétaires » qui multiplient les programmes de soin, les constructions d’hôpitaux, la distribution de médicaments et d’équipements aux quatre coins de la planète…

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Téléthon, Sidaction, jeux télévisés à haut budget dans lesquels les candidats jouent pour le bénéfice d’associations de malades, d’enfants handicapés, pour financer la recherche médicale ou assister les plus démunis…, on ne compte plus les manifestations et les actions qui s’inscrivent dans ce qui paraît être devenu la grande cause de ce début de XXIe siècle, la cause humanitaire.

Et ce ne sont pas seulement des milliardaires, des gens illustres, des acteurs et autres vedettes de la scène médiatique qui s’engagent dans ce déploiement spectaculaire. Partout dans la société se multiplient des initiatives en direction des « sans », sans-abri, sans-papiers, sans-famille, venues de ces « Robin des bois » des temps modernes qui bénéficient de la bienveillance de l’opinion (2). Alcooliques anonymes, SOS amitié…, des bataillons de bénévoles répondent au téléphone. Dans les villes, les quartiers, les villages, explique le sociologue Serge Guérin, on peut mesurer « l’impact des dynamiques de proximité, la densité des actes en dehors de toute rationalité économique (3) ». Des microsolidarités s’inventent comme le covoiturage ou les échanges de voisinage et toute sorte d’aides informelles. À tel point qu’est apparu un nouveau terme, pour qualifier les « aidants sociaux » qui consacrent une partie de leur temps à rendre service à leurs proches comme à de parfaits inconnus.