◊ Les femmes ont toujours travaillé
Les femmes ont-elles attendu les années 1960 pour travailler en nombre ? L’idée dominait en tout cas que le travail féminin avait connu une baisse continue de son activité dans la première partie du XXe siècle.
Dans un livre récent 1, Margaret Maruani et Monique Meron tordent pourtant le coup à cette idée reçue : « Les femmes ont toujours travaillé », rappellent-elles. Elles n’ont jamais représenté moins du tiers de la population active depuis le début du XXe siècle. L’occasion de rappeler que la statistique, la façon de construire les catégories est indissociable des valeurs et normes du moment. En 1954, on retire en effet un million de femmes actives des statistiques, des femmes d’agriculteurs, en modifiant simplement la définition de l’activité féminine 2. À partir de quelles représentations décide-t-on que ce que font les femmes relève du travail ? M. Maruani s’amuse : « Comment d’un recensement à l’autre, une paysanne travaillant aux champs ou à la ferme peut-elle se transformer en femme inactive qui regarde passer les vaches en faisant la vaisselle ? » Cette décision se prend au moment où la place des femmes dans la société fait débat : faut-il qu’elles élèvent les enfants et se cantonnent à la sphère domestique ou doivent-elles contribuer au développement économique du pays ? Et la chercheuse de souligner : « Les chiffres concernant le travail des femmes renseignent sur le statut des femmes dans la société. »
Cela étant, si la part des femmes dans la population active ne diminue pas pendant la première moitié du siècle, elle fluctue légèrement et oscille entre 34 et 39 %. Les guerres n’ont pas eu un effet durable sur le travail féminin et n’ont pas constitué un moteur de la mise au travail des femmes. Mais elles l’ont rendu visible en faisant sortir les femmes de chez elles, qui travaillent alors beaucoup à leur domicile, pour aller dans les usines.
◊ Années 1960 : le grand bond en avant
À partir des années 1960, les choses changent et l’entrée des femmes sur le marché du travail s’accélère. Sur les cinquante dernières années, leur poids dans la population active est passé d'environ un tiers à presque la moitié (48 %). En 1962, un peu plus de 13 millions d’hommes travaillent, contre environ 6,5 millions de femmes. En 2010, elles sont quasiment 14 millions à occuper un emploi, presque autant que les hommes (15 millions). Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, les périodes de crise n’ont pas stoppé ce mouvement : « Entre 1975 et 2008 sur les 3 831 000 emplois créés, 3 762 000 sont des emplois occupés par des femmes », rappellent Margaret Maruani et Monique Merton 3.