C’est la croix et la bannière ! » L’an dernier, Stéphanie a dû contacter une quinzaine d’orthophonistes, inquiète pour son fils qui conserve des difficultés d’élocution malgré ses 10 ans révolus. Elle a passé toute l’Essonne au crible… sans succès. « Soit il n’y avait pas de rendez-vous en ligne sur Doctolib, soit je tombais sur un répondeur disant qu’ils n’accueillaient pas de nouveaux patients, soit ils ne prenaient pas les enfants… » Et quand elle laisse des messages pour expliquer le problème de Thibaut, on ne la rappelle jamais. « Mon fils c’est un peu le prince de Motordu. Ça fait longtemps que je me demande s’il ne serait pas dys, mais je ne suis pas équipée pour poser un diagnostic », avance-t-elle. Le cas de cette mère de famille est emblématique. Des orthophonistes qui affichent complet aux centres de référence qui présentent d’interminables listes d’attente, en passant par les psychologues et pédopsychiatres eux aussi pris d’assaut, les demandes de diagnostics explosent. Sous le microscope des professionnels de santé, les élèves qui présentent des difficultés d’apprentissage ou des comportements inappropriés sont de plus en plus soumis à des tests médicaux et autres bilans. Le repérage des enfants atypiques ne cesse de s’amplifier et de s’affiner, tandis que les demandes de reconnaissance officielles progressent. Au risque de susciter un embouteillage sur les lignes : « Votre temps d’attente est estimé à moins de 40 minutes », chante ainsi une voix au téléphone quand on tente de joindre la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Paris. Avant de conclure : « Vous êtes nombreux à vouloir nous joindre, toutes nos lignes sont actuellement occupées. »
Cette quête de l’étiquette est encouragée par le principe de l’école inclusive qui promet un accompagnement personnalisé tout au long de la scolarité et un aménagement des examens en cas de besoin. « L’Éducation nationale est de plus en plus confrontée à des demandes de parents qui souhaitent faire reconnaître l’existence d’un trouble neurodéveloppemental chez leur enfant », affirme ainsi Franck Ramus, directeur de recherche au sein du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique au CNRS et membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale. « C’est particulièrement vrai depuis la loi de 2005 qui ouvre des droits pour les enfants et adolescents en situation de handicap et oblige l’institution scolaire à mettre en place des aménagements. »
Des efforts encore insuffisants
Une institution qui tente tant bien que mal de s’adapter à ces nouvelles attentes, dans un contexte qui a vu se multiplier les acronymes utilisés pour qualifier les différents projets, programmes et plans définis par le Code de l’éducation pour accueillir les élèves à besoins éducatifs particuliers. Ressources disponibles sur Internet, enseignants référents pour sensibiliser les équipes à la situation des élèves autistes, vade-mecum pour offrir aux hauts potentiels intellectuels (HPI) les meilleures conditions de scolarisation… Bien qu’il soit encore souvent jugé insuffisant, l’effort est réel.