Les ouvriers n'ont pas disparu

S’ils sont moins nombreux dans les usines, des centaines de milliers d’ouvriers travaillent désormais dans les vastes entrepôts de logistique. Dans quelles conditions ?

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Parmi bien d’autres éclairages, la crise sanitaire a révélé la très forte dépendance de nos sociétés à l’égard des chaînes logistiques d’approvisionnement. Nos modes de consommation et de production reposent en effet sur des infrastructures logistiques monumentales qui prennent en charge l’acheminement des biens, depuis les pays du Sud où ils sont fabriqués jusqu’aux rayons des magasins occidentaux où ils sont commercialisés, et de plus en plus jusqu’au domicile des acheteurs. Pour faire circuler ce flux, le secteur logistique emploie près de 800 000 ouvriers en France 1, qui pour la plupart travaillent dans des entrepôts, ces grands cubes de tôle ondulée qui bordent désormais tous les grands axes routiers ainsi que les zones portuaires et aéroportuaires.

Un travail sous contrôle

Depuis l’entrepôt, on comprend tout d’abord que le monde ouvrier est loin d’avoir disparu, de même que les gestes physiques et répétitifs qui caractérisent le travail dans ces espaces populaires. Si l’informatique a bien pris une place importante dans la gestion des stocks, c’est toujours à la main que les colis transitent depuis les camions jusqu’au rack de stockage et inversement. Depuis le début des années 2000, l’ensemble de ces opérations se fait sous le contrôle d’outils numériques qui encadrent rigoureusement chaque geste, réduisant considérablement l’autonomie des exécutants. Dans le e-commerce, des écrans attachés aux bras des pickers leur indiquent le nombre de secondes restantes pour prélever la commande. Dans la grande distribution, les informations sont transmises aux opérateurs par une voix de synthèse, via un casque audio, et chaque prise de colis est validée instantanément par reconnaissance vocale. Pour désigner cette forme de taylorisme assisté par ordinateur, qui limite le travail au suivi d’un script prédéfini, les ouvriers utilisent très fréquemment le qualificatif de « robot », qu’ils endossent tout en cherchant continuellement à s’en détacher.