Les profileurs : beaucoup de bruit pour presque rien

Établir le profil psychologique d’un tueur en analysant les lieux de ses crimes : 
profileur, une activité fascinante, nec plus ultra des investigations policières ? 
En réalité, une profession très peu exercée, ingrate et, selon certains, dépassée.

À New York, en 1940 puis en 1941, un inconnu pose deux bombes visant la Consolidated Edison Company, l’équivalent d’EDF. Elles n’explosent pas. Mais le terroriste abreuve la compagnie, la police et les médias de dizaines de lettres de menaces anonymes, avant d’annoncer qu’il va se tenir à carreau pendant toute la durée de la guerre, par patriotisme. Il ne réapparaît qu’en 1950 : il a alors accompli de réels progrès comme artificier puisque ses bombes non seulement explosent, mais semblent de plus en plus puissantes, faisant de nombreux blessés dans divers lieux publics. Au total, une trentaine d’engins explosifs seront disséminés dans New York par celui que l’on surnomme le Mad Bomber. Fin 1956, la police, en désespoir de cause, fait appel à James Brussel, psychiatre et criminologue. En étudiant pendant trois heures les photographies des lieux dévastés par les bombes et surtout les lettres du terroriste, J. Brussel dresse un portrait psychologique précis de celui-ci, estimant par exemple qu’il s’agit d’un ancien salarié de la Consolidated Edison. Il recommande de rendre publiques ses conclusions, pour provoquer le tueur. S’ensuit bel et bien un bras de fer entre des éditorialistes et un Mad Bomber de plus en plus imprudent. Début 1957, une secrétaire de la Consolidated Edison tombe sur un vieux dossier concernant un ancien employé, George Metesky, qui estimait son entreprise responsable de ses ennuis de santé, vingt-cinq ans plus tôt. L’homme est arrêté. C’est bien le Mad Bomber. Son profil correspond presque en tout point aux déductions de J. Brussel : comme il l’avait prévu, G. Metesky, lors de son arrestation, porte même un costume trois-pièces boutonné !

Le psychanalyste du crime ?

Ainsi advient le règne des profileurs américains puis plus généralement anglo-saxons, ces agents spéciaux du FBI ou ces psys formés à la criminologie qui ont pour mission d’aider la police à cerner la personnalité des criminels hors normes, au premier rang desquels les tueurs en série. Pour cela, il leur faut analyser les éventuels indices, collecter un maximum de détails sur la victime et les sévices qui lui ont été infligés, mais aussi et surtout examiner les lieux du crime. Un visage mutilé ou couvert d’ecchymoses peut indiquer que le tueur connaissait la victime, une scène nettoyée après le meurtre laisse penser qu’il a quitté un hôpital psychiatrique depuis moins de six mois, etc. Le coupable en est-il à son premier homicide ? A-t-il agi sous le coup de la colère, d’une pulsion sexuelle, avec préméditation, par appât du gain ? Est-il organisé ? Sûr de lui, de son impunité ? A-t-il paniqué ? A-t-il pris son temps pour tuer ou tenter de se débarrasser du corps ? Une récidive est-elle probable ? Dans quel contexte ? Et quand ? Au contraire de l’expertise, qui concerne un individu identifié, le profilage se situe donc en amont de l’identification. Il doit faciliter celle-ci dans l’espoir de gagner du temps, pour sauver des vies. Mais aussi, le moment venu, pour savoir obtenir des aveux du tueur.