« Tandis qu’on l’ajourne, la vie passe. » Le temps, modalité fuyante de notre existence, passe en effet inexorablement. Il faut donc se dépêcher de commencer à vivre. Et pourtant, nous dépensons ce temps sans compter, comme si sa ressource en était infinie : nous remettons à plus tard les choses importantes, nous le gaspillons à des futilités, pire encore, nous laissons les fâcheux prendre de notre temps, sans oser les interrompre. Pourquoi ? Parce que nous identifions mal ce qu’il est véritablement important de faire et que, quand bien même nous l’aurions identifié, nous peinons à le réaliser.
La philosophie stoïcienne propose de résoudre ces deux difficultés. Elle pose que nous recherchons tous le bonheur ; ce dernier ne réside pas dans la possession de biens extérieurs à soi, mais au contraire dans une disposition d’âme harmonieuse et stable. Le bonheur, « c’est une vie au cours tranquille », disait Zénon, fondateur du stoïcisme. La sérénité, la tranquillité de l’âme sont atteintes dès lors que l’on se concentre sur l’essentiel : il nous faut devenir ce que doit être un homme digne de ce nom, à savoir un être rationnel qui connaît le bien et s’emploie à le répandre en pratiquant les vertus cardinales que sont la prudence, la justice, le courage, la tempérance.
Une fois que cet objectif est posé – la tranquillité de l’âme, procurée par la perfection morale qu’est la vertu –, il reste à l’atteindre. Pour ce faire, il faut commencer, nous dit Sénèque, par pratiquer un examen de conscience, à la fin de chaque journée : faire le bilan de ce que nous avons réussi ou manqué, se juger soi-même avec sincérité et sans sévérité excessive (1). 1 Ayant identifié les progrès qui restent à accomplir, on peut alors recourir au remède proposé par la doctrine stoïcienne, qui peut se résumer en une seule formule : la seule chose qui puisse me contrarier, c’est ma propre incapacité à être vertueux. Ai-je été impatienté, injurié par quelqu’un ? Il ne tenait qu’à moi de ne pas l’être. Ai-je été attristé par la perte de mes biens ? Il ne tenait qu’à moi de me rappeler que le seul bien, c’est la vertu, et qu’atteindre la vertu ne dépend que de moi. Ai-je été amputé, emprisonné, réduit en esclavage ? Je dois me souvenir que la vertu peut s’exercer dans n’importe quelle circonstance et qu’il ne dépend que de moi d’être heureux.