Morale laïque, une neutralité introuvable

La morale va faire son retour à l’école à la rentrée 2015, du primaire à la terminale : bien que relativement consensuel, ce projet se heurte à la définition 
de ses objectifs et de son contenu.

Quand, le premier dimanche de septembre 2012, le ministre de l'éducation Peillon , reprenant (à un détail près) un projet défendu il y a 130 ans par Jules Ferry, déclara sa volonté de réintroduire l'enseignement de la morale laïque à l'école publique, des classes primaires à la terminale, la nouvelle avait tout pour faire long feu.  D'abord parce que, sondage à l'appui, il s'avéra que le principe était approuvé par plus de 90% des Français, toutes tendances politiques et religieuses confondues. Difficile de faire plus consensuel.  Ensuite parce que Vincent Peillon ne faisait que reprendre à sa manière, les intentions manifestées  par les deux précédents ministres Xavier Darcos et Luc Chatel : l'un en 2008 comme l'autre en 2011, avaient programmé le retour de leçons de morale à l'école primaire, en complément de la traditionnelle "instruction civique". Ces annonces peu compromettantes et sans  contenu précis  ("quelques minutes de rappel des principes chaque matin")s'étaient heurtées à la grogne des syndicats d'enseignants dénonçant le manque de moyens et les gages ainsi donnés à une fraction conservatrice de l'opinion.

Membre d'un gouvernement socialiste, Vincent Peillon échappa à ces critiques-là , mais non aux commentaires acides d'adversaires politiques accomplissant leur devoir d'opposition : ici une Marine Le Pen ironisant sur l'expression "morale laïque" comme si en France la morale n'était pas, dans tous les cas, un peu chrétienne (1 1), là une Nathalie Kosciusko-Morizet reprochant au ministre de vouloir usurper le rôle des parents (2 2), et là aussi, l'ex-ministre Chatel trouvant des accents "pétainistes" aux termes employés par son successeur. A gauche même, Bertrand Delanoë prenait ses distances, se méfiant d'une définition "officielle "du bien et du mal. Sans exagérer plus que la normale, le magazine Le Point pouvait titrer le 4 septembre 2012 que la morale laïque était une "pomme de discorde des politiques", faute d'être celle de l'opinion publique(3 3).