Peur, colère, plaisir...les émotions au travail

La vie quotidienne des entreprises est émaillée de nombreuses tensions, crises, confrontations. Elles éveillent chez les employés et les managers des émotions fortes et souvent archaïques, qu’il faut apprendre à reconnaître et à maîtriser.

Écoutons cette jeune caissière d’une chaîne en grande distribution parler de son travail : « À 9 h 55, il faut être en caisse, installer les sacs plastique, la monnaie, nettoyer la caisse, alors que des clients pressés installent déjà leurs affaires sur le tapis roulant. Tout ce stress ne doit pas se voir. »

En effet, dans la grande distribution, les consignes sont claires : les caissières sont les dernières personnes que le client rencontre et ce sont elles qui laissent la dernière image du magasin aux clients. « Face au client, un “bonjour”, un “s’il vous plaît”, un “au revoir, bonne journée” sont de rigueur ; et avec le sourire. »

Dans ce supermarché, les caisses sont filmées : une caméra de surveillance pour chacune d’entre elles, qui ne sert pas uniquement à repérer les vols mais aussi à contrôler le comportement de chaque caissière. Chaque caisse dispose également d’un téléphone directement relié à la caisse centrale ce qui permet d’avertir la caissière qu’elle doit modifier son comportement.

En fin de journée, la caissière envoie sa monnaie par aspiration dans la salle des comptes. Si une erreur se présente, même de vingt centimes, un mot est affiché avec le nom de la caissière à la vue de tout le personnel. Au bout de trois erreurs, la caissière reçoit un avertissement, au bout de trois avertissements, elle est licenciée… « Lorsque je faisais le compte de ma caisse en fin de journée, si je m’apercevais qu’il y avait une erreur, j’allais chercher l’argent qu’il manquait dans mon portefeuille afin de ne pas avoir d’avertissement, ce que font toutes les caissières. »

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Par la signature de son contrat de travail, la caissière se trouve subordonnée aux normes de l’entreprise. Son poste suppose des manipulations de marchandises et d’argent. On constate la rigueur des normes : la caissière n’a pas droit à l’erreur. Remarques des clients (pas toujours aimables quand il manque une étiquette, quand l’attente est trop longue, etc.), contrôle de la direction, peur de l’erreur…, on comprend que le travail de la caissière soit fortement impacté par les relations émotionnelles. Il existe toujours un conflit latent entre ce que la caissière devrait faire pour maintenir son équilibre émotionnel personnel et ce qu’elle doit faire pour respecter les normes de l’entreprise. C’est le cas de la plupart des emplois.

Cet écart entre les attentes de l’individu au travail et les normes imposées par l’entreprise sont la source de multiples émotions : angoisse, frustration, peur, colère, parfois haine.

(1) C. Bourion, « Styles hiérarchiques et jeunes diplômés », , n° 118, septembre 2005.(2) M. Maffesoli et C. Bourion (dir.), , Eska, 2007. (3) Voir C. Bourion, , Palgrave Macmillan, 2005, et , 2e éd., Eska, 2001.(4) M. Thévenet et C. Bourion (dir.), , Eska, 2007.