Le constat est implacable : les inégalités ont considérablement augmenté depuis quarante ans dans le monde entier : qu’ils s’agissent des inégalités internes (entre les riches et les pauvres de chaque pays) ou des inégalités entre les pays. Les chiffres ne trompent pas : en décembre 2017, un consortium d’économistes réunis au sein du projet WID 1, dont Thomas Piketty est un des directeurs, a publié les résultats d’une vaste enquête internationale.
Que montre le rapport ?
Les inégalités internes augmentent dans tous les pays, bien qu’à des rythmes différents. Selon les pays : elles augmentent par exemple plus rapidement aux États-Unis qu’en Europe ; elles ont explosé en Inde et en Chine mais selon des trajectoires différentes : la Chine tente actuellement de les corriger.
Au sein de chaque pays, la part des riches augmente plus vite que celle des pauvres.
Selon le rapport : « Entre 1980 et 2016, les 1 % les plus riches ont capté 27 % de la croissance mondiale. Les 50 % les plus pauvres n’ont capté pour leur part que 12 % des richesses créées, mais ont vu leur revenu augmenter significativement. » Entre les deux, les revenus de la classe moyenne mondiale ont connu une croissance faible.
Enfin cette évolution est en rupture avec une tendance antérieure. Durant une grande partie du 20e siècle, les inégalités n’avaient cessé de se réduire dans les grands pays occidentaux.
Pourquoi cette augmentation des inégalités ?
Le rapport du WID ne porte pas sur les causes des inégalités : il se préoccupe d’abord avant tout d’établir les faits. Si on cherche à élucider les origines de ces inégalités, un premier constat s’impose : les inégalités sont associées au dynamisme des économies. Si les inégalités ont explosé en Chine ou en Inde depuis quarante ans, c’est parce que ces économies sont entrées dans une dynamique de développement accéléré. En Chine, il y a quarante ans, presque tout le monde était pauvre : il y avait donc une certaine égalité (dans le dénuement). Depuis, l’économie chinoise a décollé entraînant une diversification des trajectoires : une élite richissime est apparue (il y a désormais 1,5 million de millionnaires en Chine ! 2), une classe moyenne de quelques centaines de millions a suivi le pas (ce sont eux qui viennent faire du tourisme en Occident) ; les classes populaires (employés et ouvriers) dont le revenu a beaucoup augmenté ces derniers temps sont en train d’entrer à son tour dans la société de consommation. Il reste encore dans les campagnes quelques dizaines de millions de gens qui vivent dans la grande pauvreté : le seuil officiel de la pauvreté en Chine est moins de 2 300 yuans (396 euros par mois). La pauvreté a tout de même chuté de plus de 700 millions de personnes entre 1980 et aujourd’hui (de 775 à 43 millions) 3 ! Moralité : si le développement a creusé les inégalités, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle puise 95 % de la population en a profité.
