Se concentrer, se contrôler

Comment nous focalisons-nous sur un détail, une action, 
un plan de conduite, sans nous laisser distraire par notre environnement perpétuellement changeant ? Grâce à un chef d’orchestre : le lobe frontal.

Les recherches menées en neurosciences cognitives ces dernières années permettent maintenant d’appréhender les mécanismes neuronaux nécessaires à la réalisation d’actions simples, comme saisir une tasse de café.

Pour comprendre ces mécanismes, il faut s’intéresser un instant au lobe pariétal, l’un des quatre principaux lobes ou continents du cerveau, dont il occupe la partie arrière et supérieure. Ce lobe permet le passage entre la perception et l’action : agir sur ce que nous percevons.

Dans le cas qui nous occupe, l’action à réaliser pour prendre la tasse peut se décomposer en deux gestes : un premier pour amener la main au contact de la tasse – pour l’atteindre, ce que la littérature anglo-saxonne nomme « reaching » –, et un deuxième geste de la main pour saisir la tasse – c’est-à-dire pour utiliser l’objet. Au sein du lobe pariétal, certains neurones sont justement chargés d’atteindre l’objet et d’autres, bien séparés sur le plan anatomique, de le saisir et de l’utiliser. Une partie du lobe pariétal est spécialisée dans l’analyse de la position et de la vitesse des objets qui nous entourent. C’est là que nous trouvons les neurones servant à « atteindre ». Ils analysent l’image en provenance de la rétine pour détecter la présence d’objets et les situer dans l’espace, par rapport aux différentes parties de notre corps. Ils communiquent ensuite cette information aux régions motrices situées plus en avant du cerveau dans le cortex frontal, pour déclencher un mouvement du bras en direction de la tasse.

 

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Saisir et utiliser un objet

D’autres neurones du lobe pariétal entrent alors en action pour préparer le geste de saisie. Ces neurones sont moins concernés par la position des objets que par leur forme et leur identité. À force d’apprentissage, ils retiennent les configurations de la main adaptées à la saisie et l’utilisation de chaque objet quotidien, comme justement la tasse de café. Comme ceux servant à atteindre les objets, ces neurones peuvent déclencher le mouvement adéquat en activant les aires motrices du cerveau. Il est d’ailleurs possible de les activer de manière artificielle, par une stimulation électrique, pour déclencher des gestes d’utilisation même en l’absence d’objets. La personne semble mimer l’utilisation d’un tournevis ou d’une brosse à dent, ou d’une tasse de café, selon les neurones stimulés !

A contrario, les lésions endommageant cette région du cerveau peuvent entraîner une incapacité à utiliser les objets courants : le patient voit et reconnaît le tournevis mais ne sait pas quoi en faire (on parle d’« apraxie idéatoire »). Il y a alors perte de l’association entre geste et objet acquise pourtant dès le plus jeune âge. Le lobe pariétal est donc force de proposition : il propose sans cesse au cerveau d’agir sur son environnement pour l’utiliser. Ce processus se répète dès que notre attention se porte sur un objet situé à proximité. Les neurones du lobe pariétal se mettent en action et tentent spontanément d’activer le système moteur pour saisir et utiliser l’objet.