En Europe, les rayonnages des librairies fourmillent d’ouvrages incitant les parents à éduquer leurs enfants de manière bienveillante. Une injonction au cœur de la « parentalité positive » promue par le Conseil de l’Europe dès 2006, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la lutte contre les violences éducatives. Depuis, ce modèle a gagné en visibilité dans beaucoup de pays développés, mais avec des interprétations variées.
Les pionniers scandinaves
En France, où la fessée a été interdite quarante ans après la Suède, on ne parle « d’éducation bienveillante » que depuis une décennie. Une histoire relativement récente au regard des pays scandinaves, volontiers présentés comme le berceau de cette approche. Une équipe de sociologues belges a analysé les raisons de ce retard 1 : dans l’Hexagone, l’abandon des punitions et le passage d’une posture de parent censeur à celle de parent maïeuticien, chargé de favoriser l’épanouissement de l’enfant, ont tendance à être présentés comme des « révolutions ». Au contraire, au Danemark, ces changements s’inscrivent dans un continuum de pratiques. Une situation liée selon eux à une vision différente de l’enfant. Les modèles de bonne parentalité français valorisent depuis longtemps une guidance parentale interventionniste – qu’il s’agisse de poser des limites à l’« enfant roi » ou de l’aider à « gérer » ses émotions – qui peut sembler incompatible avec la promotion de l’autonomie enfantine. L’éducation danoise promeut, elle, la figure de « l’enfant compétent », capable d’agir par lui-même et d’identifier ses besoins. Le rôle des parents est alors naturellement de le soutenir dans sa découverte du monde, en lui accordant leur confiance et un maximum de liberté. Cette approche, qui doit beaucoup au thérapeute danois Jesper Juul, a aussi profondément influencé l’école scandinave. Ses valeurs se retrouvent notamment dans le système scolaire finlandais, qui caracole en tête des classements internationaux pour sa formule alliant bien-être et efficacité. Toutefois, l’éducation démocratique à la scandinave n’est pas exempte de critiques. En 2013, le psychiatre suédois David Eberhard accusait son pays de produire une génération d’enfants gâtés égoïstes.