Comment on a culpabilisé les mères

Dans les années 1960, les féministes cherchent à émanciper les femmes de leur rôle de mère. Dix ans plus tard, la psychiatre et psychanalyste Françoise Dolto, en demandant à la mère d’être à l’écoute des désirs de l’enfant, lui impose un nouveau carcan.

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« Fêtées une journée, exploitées toute l’année », scande en 1970 le Mouvement de libération des femmes (MLF), profitant de la Fête des mères pour manifester. Incarnée par des figures telles que Simone de Beauvoir, puis Élisabeth Badinter, la lutte contre la « maternité esclave » est au cœur du MLF, qui a fait de la transgression symbolique une véritable marque de fabrique. À l’instar du geste inaugural consistant à déposer des fleurs à « la femme du soldat inconnu », le 26 août 1970, pour mieux souligner l’invisibilité des femmes. Le mouvement féministe, qui défend la liberté pleine et entière de concevoir ou non des enfants, grâce à un droit effectif à la contraception et à l’avortement, se démarque des combats antérieurs, dont celui du prestigieux Mouvement pour la planification des naissances (MFPF).

Issu de l’association Maternité heureuse, fondée en 1956 par la docteure Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, le MFPF entendait permettre aux femmes, grâce à la contraception, de planifier le moment de ces naissances, et d’en contrôler le nombre. Pas de remettre en cause la place de la maternité dans l’identité féminine, ni de lutter contre la division inégalitaire du travail domestique.

L’enjeu, mais il est de taille, réside davantage dans la santé et la sécurité des femmes contraintes d’avorter dans des conditions dramatiques. Les nombreux décès et les séquelles qui en découlent traumatisent toute une génération de médecins qui, progressivement, se rallient à la cause défendue par Lagroua Weill-Hallé. Cet objectif sanitaire est indissociable d’un nouvel idéal, celui d’une maternité « de qualité », c’est-à-dire non subie et qui arrive au bon moment. L’intérêt de l’enfant à naître désiré et celui de la mère à maîtriser sa fécondité se confondent dans l’aspiration à une maternité plus épanouie, émancipée du joug de la contrainte et du devoir.