Vous montrez dans Le Corps redressé que, depuis le Moyen Âge, éducateurs et pédagogues sont obsédés par le corps droit…
Parmi les normes qui concernent le corps, il en est une très importante qui est celle de l’exigence d’une tenue droite. Bien sûr, on retrouve cette exigence aujourd’hui. Mais beaucoup de choses ont changé depuis la Renaissance, non seulement dans la représentation de la rectitude mais surtout dans la manière de l’obtenir. Autrement dit, le corps est au cœur d’une relation pédagogique qui a évolué au cours de l’histoire.
Au Moyen Âge, cet objectif existe déjà : on recommande par exemple aux pages de ne pas s’appuyer sur leur coude lorsqu’ils sont à table ; ou encore, on leur dit : « N’enfonce pas la tête dans les épaules sinon tu risques d’apparaître comme un hypocrite. Ne branle pas la tête de droite à gauche car tu passes pour un indécis… » En fait, les positions du corps sont moralisées.
Aux XVIe et XVIIe siècles, la main du maître, ou de l’éducateur, est très importante : c’est elle qui se place sur le corps de l’enfant pour le corriger. On en trouve des exemples dans les Mémoires de Mme de Maintenon, qui explique comment sa domestique appuyait sa main sur le ventre de sa maîtresse pour le repousser en arrière, lui tirer les épaules, etc.
Progressivement, au XVIIe siècle, la main correctrice va trouver un substitut par les maillots et les corsets que l’on fait porter aux enfants et aux femmes. Une profession de fabricants de corsets se crée même à cette époque. Le corset n’est pas seulement porté dans le cas de malformations (ce qui est cependant fréquent), mais aussi de plus en plus de façon préventive par les enfants de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie. On peut le voir sur de multiples gravures : le corps de l’enfant est maintenu au niveau de la poitrine par un plastron et au niveau du cou par un col rigide.
L’éducation du corps consiste en une contrainte imposée. Cette pratique va perdurer tout au long du XVIIIe siècle, bien que se produise alors un changement essentiel en matière de représentations du corps, et pas seulement dans le domaine médical.
, n° 132, novembre 2002.