Pour comprendre les bébés, on s’est longtemps contenté d’observer leurs actions. Jean Piaget (1896-1980) parlait d’ailleurs du stade « sensori-moteur » pour désigner les 0-2 ans. L’étude des concepts, des principes cognitifs, était quant à elle réservée aux enfants plus âgés. Or, les actions des bébés étant encore assez souvent maladroites, on admet aujourd’hui qu’on ne pouvait, par cette seule observation, mesurer leur réelle intelligence. Pour évaluer l’intelligence des bébés, les chercheurs ont compris qu’il fallait aussi s’intéresser à leur regard, c’est-à-dire à leurs réactions visuelles face à des stimulations que leur présente le psychologue.
Grâce à des moyens techniques, comme la vidéo et l’ordinateur, on peut enregistrer et mesurer très précisément ces réactions visuelles. C’est ainsi qu’on a découvert l’existence de la permanence de l’objet dès 4-5 mois – la capacité du bébé de concevoir qu’un objet continue d’exister lorsqu’il disparaît de sa vue – alors que la recherche par l’action d’un objet disparu, observée par Piaget, est plus tardive : 8 mois.
Au même âge (4-5 mois), le bébé montre aussi des capacités numériques qu’on ne lui soupçonnait pas jusque-là. Il est capable de faire des calculs tel 1 + 1 = 2 ou 2 - 1 = 1.
Les chercheurs ont aussi démontré, avec ces techniques, la capacité qu’ont les bébés dès 15 mois d’inférer des états mentaux chez autrui, c’est-à-dire leurs croyances vraies ou fausses. C’est ce qu’on appelle déjà une théorie de l’esprit et un sens social. Ces compétences apparaissent donc très précocement, bien avant l’émergence du langage articulé à 2 ans.