L’émancipation des femmes et leur montée en puissance dans l’espace public constituent l’un des changements sociaux les plus marquants de la modernité. Entamées voici deux siècles, ces transformations ont été progressives. Aujourd’hui, beaucoup de femmes estiment que nous ne sommes encore qu’au milieu du gué et que rien n’est définitivement acquis. On ne peut cependant nier les avancées considérables obtenues au cours du 20e siècle.
Deux grands moments historiques marquent les temps forts du mouvement féministe. Une première phase débute au milieu du 19e siècle, alors que les femmes se voient exclues du suffrage universel, phase qui s’éteindra progressivement avec l’obtention du droit de vote dans les différents États d’Europe (1944 pour les Françaises, parmi les dernières…). La seconde vague des années 1960-1970 et ses ramifications actuelles sont devenues, de l’avis des sociologues et des historiens, le prototype de ces « nouveaux mouvements sociaux » caractéristiques de la postmodernité.
La lutte pour les droits civiques
Les premiers combats, au 19e siècle, sont essentiellement politiques. La Révolution française a proclamé les droits « universels » de l’homme et du citoyen, mais a laissé les femmes aux portes de la cité. Le code civil napoléonien les a ensuite placées entièrement sous la loi du mari et du père tout-puissant. Les luttes des femmes vont alors se polariser sur la revendication de droits civiques, civils et économiques leur permettant de sortir du statut de « mineures juridiques » : le droit de vote d’une part, porté aux États-Unis et dans les pays européens par le puissant mouvement des suffragettes ; mais aussi le droit aux études, au divorce, ou celui d’ester en justice ou d’administrer leurs propres biens. Toutes les historiennes du féminisme s’accordent à décrire cette première phase féministe comme un mouvement bourgeois et bien-pensant, irrigué de morale chrétienne. C’est au nom de leur statut de mère, et en fustigeant les « célibataires » qualifiées de « vieilles filles », que naissent ces premiers combats.
Françoise Picq, Ixe, 2012. Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel, Margaret Maruani (dir.), , La Découverte, 2005.