L’Imitation de Jésus-Christ peut être considéré comme le premier livre de « coaching spirituel », version chrétienne. Rédigé aux alentours de 1430 par un auteur anonyme – les historiens penchent pour le moine hollandais Thomas Kempis –, cet ouvrage part du principe que la vie est faite de souffrances. À l’instar du bouddhisme, qui fait de ce constat la première des « quatre nobles vérités », L’Imitation invite à ne pas repousser la souffrance et même à l’accepter comme une voie vers la rédemption. Sa méthode ? Prendre Jésus comme modèle de vie, rejeter les vanités du monde, se tourner vers la Lumière divine… L’idée peut aussi faire écho à certaines formes de chamanisme, considérant les privations comme une voie vers l’extase. Pour autant, le fait d’envisager plus spécifiquement la foi comme quête intérieure, et non la simple soumission à la loi divine, marque un tournant dans la spiritualité chrétienne, qu’on appelle la « religion moderne » ou « devotio moderna* ». La lecture de L’Imitation est une grande source d’inspiration pour Ignace de Loyola, auteur des Exercices spirituels (1548), autre manuel d’entraînement à la vie dévote qui connaît lui aussi un immense succès.
Le gouvernement des âmes
Comment en est-on arrivé là ? Durant les trois premiers siècles, le christianisme est une religion dissidente et minoritaire au sein de l’Empire romain. Puis à partir de l’empereur Constantin (4e siècle) et de ses successeurs, l’Église devient religion d’État. Elle se voit confier la mission d’unifier l’Empire autour d’un dieu unique. Alors que le pouvoir militaire s’occupe de contrôler le territoire, l’Église doit gouverner les âmes 1. Il s’agit d’exercer un magistère exclusif sur les esprits, la morale, l’éducation et les bonnes mœurs. À partir de l’empereur Théodose (vers 380), les temples païens sont fermés ou détruits, les philosophes interdits d’enseignement et les hérétiques mis au ban 2. Dès lors, les évêques, chefs des communautés locales, sont chargés de l’évangélisation de tous les sujets de l’Empire : barbares, humbles paysans et seigneurs. Ils remplacent les anciens maîtres spirituels.