« Vous devez être le dominant ! Voici l’une des règles de base en matière de dressage canin. (…) Passer devant son chien lorsque l’on quitte une pièce, manger avant lui (…) sont autant de petits trucs qui feront comprendre à votre compagnon que vous êtes le chef de la meute, pas lui 1. »
Voilà les conseils que l’on peut trouver aujourd’hui sur de nombreux sites consacrés à l’éducation des chiens. Et c’est également, à ce qu’en témoignent certaines personnes que j’ai pu interroger à ce sujet, ce que l’on peut s’entendre recommander dans les centres de dressage canin. Cette recommandation fait écho à ce que l’on pourra par ailleurs découvrir sur les sites dédiés aux loups : le terme « meute », clairement, nous y renvoie. Une meute de loups, peut-on y lire, « est souvent constituée d’un couple dominant ayant le rôle de chef de groupe. On les appelle les alphas mâle et femelle. C’est le couple dominant qui prend toutes les décisions pour la survie de la meute, déplacements, chasse, marquage et territoire. Le couple alpha est le seul à se reproduire. Dans la meute, l’ordre hiérarchique est constitué des bêtas, qui arrivent après les alphas. Ils prendront la place du couple alpha en cas de problème pour la meute (mort). Puis viennent les loups omégas (…). L’oméga, de par sa position dans le rang, sera le dernier à manger sur une proie tuée par la meute 2. »
Si cette description correspond assez fidèlement à la manière dont les loups ont été décrits depuis les années 1930, elle ne fait toutefois plus l’accord des scientifiques. À la fin des années 1990, en effet, le spécialiste le plus réputé du loup, David Mech, revient sur cette théorie qu’il avait contribué à populariser, pour la contester : il n’y a, affirme-t-il, pas de réelle hiérarchie chez les loups.
Une idée de la hiérarchie bien tenace
Ce que l’on appelle « meute », le plus souvent, s’avère être une famille, composée de parents et de leurs descendants. Pourquoi les chercheurs ont-ils maintenu cette conception de la meute ? Parce que la plupart des observations avaient lieu en captivité avec des meutes artificiellement composées. D. Mech avait cautionné cette théorie au début de sa carrière, avant de réorienter ses recherches. Il a ensuite pu suivre des loups en liberté pendant treize étés au Canada. Laissés libres de s’organiser, ces animaux ne semblent pas adhérer aux théories fondées sur les observations en captivité. Les fameuses inégalités qui alimentaient l’hypothèse du couple dominant sont celles que l’on peut s’attendre à trouver dans une famille dont les parents éduquent les plus jeunes.