Rencontre avec Rémi Sussan : «L'optimisation du cerveau est le marché de demain»

La technologie pourra-t-elle nous changer en 
surhommes en agissant sur notre cerveau ? 
Certains marchés parient déjà sur cette poule aux œufs d’or.

Après les implants mammaires, les moumoutes et les abdos, faudra-t-il, pour se sentir bien dans son corps et dans sa tête, tirer gloriole de son cerveau customisé ? D’ores et déjà, si vous pensez avoir le QI d’une platée de cassoulet, vous picorerez des compléments alimentaires aux composantes plus ou moins interlopes, mais aux effets tout à fait discrets sur votre intellect. Pour plonger vos neurones dans un bain de jouvence, vous suivrez une bonne cure de logiciel anti-Alzheimer (si l’efficience de tels outils n’est pas prouvée, les entreprises qui les commercialisent expriment un fort taux de satisfaction). Pour rencontrer Dieu plus vite que l’éclair, un universitaire canadien vend même un casque titillant les aires cérébrales sensibles aux sentiments religieux (pour l’instant, les voies du Seigneur demeurent à sens unique). Tout cela prête à rire, mais donne à réfléchir : et si, avec l’accélération constante des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), le dopage de notre cerveau, d’une façon ou d’une autre, était inévitable ? Du moins, pour ceux qui en auraient les moyens… Alors, surhumanité à portée de clic ou pipeau high-tech ?

Le besoin d’optimiser son cerveau est-il un effet de mode lié à l’émergence de nouvelles technologies, ou reflète-t-il un phénomène plus ancien et plus profond ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un simple effet de mode, puisque les technologies, de toute façon, vont se pérenniser. L’envie de mieux penser, en tout cas différemment, est en réalité vieille comme le monde : c’est même une caractéristique de l’être humain. Mais pour le chamanisme, le yoga, la psychanalyse et diverses formes de thérapies, par exemple, il était nécessaire d’entrer dans une doctrine, d’adopter une vision du monde vouée à vous améliorer. Là, nous sommes devant quelque chose de plus expérimental, ludique, d’aucuns diraient superficiel, où conviction et conversion ne sont pas nécessaires, et offrant la possibilité de vérifier rapidement l’efficacité du résultat, non au bout de plusieurs années. Les deux démarches ne sont pas incompatibles, mais ne relèvent pas de la même logique d’action.