Survivre à la dispersion

Réunions, rendez-vous, mails, dérangements, tâches urgentes…, la dispersion pulvérise 
le travail en miettes d’activités. Faire face à 
cet éclatement requiert des compétences particulières et une reconfiguration de l’organisation.

Déferlement de mails, messages téléphoniques qui s’amoncellent sur les boîtes vocales, SMS, rendez-vous déplacés, discussions impromptues avec des collègues sur un dossier en cours, urgences qui effacent les priorités que l’on s’était fixées. Nous sommes tous, à un moment ou à un autre de notre journée, amenés à nous disperser ou, pour le moins, à dévier de l’organisation dont nous avions décidé en arrivant le matin ou en partant la veille.

Le déploiement massif et incessant des technologies de l’information et de la communication transforme les relations : les manières de rentrer en contact avec autrui se multiplient, et avec elles les sollicitations de toute nature. Mais d’autres transformations, comme le management par projet ou la rationalisation gestionnaire des activités, affectent le travail contemporain et bouleversent ses temporalités. Exhorté à être à la fois mobilisé et autonome, le salarié se trouve confronté au quotidien à des situations de « dispersion » qui se manifestent sous différentes formes : interruptions, attention périphérique, préoccupation, gestion simultanée ou entrelacement rapide de plusieurs tâches, défaut de concentration.

Il y a de très nombreuses façons de gérer la dispersion. Certains essayent de la prévenir, d’autres la gèrent en direct, en fragmentant leur activité ou en essayant de filtrer les problèmes. Les capacités du travailleur à réduire, à canaliser ou à résister à la dispersion constituent une compétence. Cette compétence générale à articuler différents engagements dans le court terme se décline en compétences plus ou moins spécifiques (agilité temporelle, maîtrise émotionnelle, compétence à évoluer dans un collectif de travail ou une maîtrise des TIC pour n’en citer que quelques-unes). Ces compétences peuvent être développées grâce à l’expérience. Ainsi, le plus souvent, ce n’est qu’avec le temps et l’expérience qu’un travailleur réussit à mettre au point des techniques personnelles pour pouvoir retourner efficacement à son activité initiale, après avoir été interrompu, et ne pas perdre le cours de ce qu’il était en train de faire. Ou encore, c’est en observant un nouveau venu dans un open space que l’on s’aperçoit, grâce à ses impairs, de toutes les conventions tacites sur les moments et les moyens opportuns pour solliciter un collègue ?

Les TIC, un facteur de dispersion

Envers ou corollaire de la compétence, l’exposition à la dispersion accroît également la charge au travail tant au niveau mental que psychique ou même physique. Recomposer en permanence son activité sous le feu nourri d’interruptions augmente la charge mentale. Avec le déploiement massif des TIC dans les organisations, les salariés doivent traiter une information dont le volume et l’hétérogénéité ne cessent de croître, ce qui est un facteur considérable de dispersion, même si cette dernière existe aussi dans des situations de travail peu équipées technologiquement. Ainsi, les professeurs des écoles doivent par exemple, dans le même temps, faire respecter un calme relatif dans la classe, transmettre des savoirs collectivement, mais aussi être attentifs au niveau de compréhension de chaque élève. De leur côté, les employés soumis à cette pression se plaignent, en particulier de l’effet de fragmentation que cela induit dans leur activité.