La persistance des « religions du terroir »
Tout au long du siècle dernier et davantage encore depuis deux décennies, l’Afrique subsaharienne peut se comparer assez aisément à un vaste théâtre baroque au sein duquel cultes et religions, loin de se dissiper, ont bien plutôt proliféré. Cela au travers de confrontations qui ont parfois entraîné des disparitions, mais qui ont le plus souvent suscité des cumuls, des emprunts, des innovations ou des réinventions.
Il convient d’abord de mentionner la grande variété des cultes traditionnels, appelés aussi « religions du terroir ». Certains, avec leurs institutions initiatiques et leurs panthéons, n’ont rien à envier aux polythéismes antiques. Ainsi celui des voduns (encadré ci dessous), qui s’est répandu outre-Atlantique à l’époque de la traite négrière. Ces cultes ont assez souvent été mis à rude épreuve, que ce soit par l’islam, présent depuis plusieurs siècles en Afrique notamment au travers d’une large gamme d’ordres confrériques, ou par le christianisme, qu’il ressortisse au catholicisme ou au protestantisme. La grande vague pentecôtiste actuelle est d’ailleurs particulièrement encline à diaboliser ces religions traditionnelles.
Pourtant, elles n’en ont pas moins assez bien résisté. Certaines connaissent même de vifs regains d’intérêt sur un marché religieux de plus en plus dense et compétitif. Ceci parce qu’elles pallient les carences des politiques publiques, notamment en matière d’éducation et de santé. Se proposant comme des alternatives à des services sanitaires souvent bien peu fonctionnels, elles répondent aussi à des demandes de réenracinement.
Dans les mégapoles africaines, telles Abidjan, Lagos ou Kinshasa, il est loisible d’observer ce foisonnement religieux par la présence grandissante de mosquées, d’églises ou d’édifices profanes (tels d’anciennes salles de cinéma) transformés en temples, mais aussi de lieux cultuels abritant quelques divinités ou quelque grand « tradithérapeute » faisant valoir son art de guérir par la puissance de ses génies.