Cadre de proximité, une mission impossible ?

Pris entre leurs directions et les équipes de terrain, les cadres de proximité sont soumis à rude épreuve. D’autant que les méthodes de management se doivent d’être respectueuses du bien-être des salariés.

« J’ai mis 15 ans à apprendre mon métier de cadre. Et encore, je culpabilise souvent de ne pas être à la hauteur. Mais je sais aussi que, compte tenu de toutes nos tâches, le travail n’est jamais fini. »

Hervé, 47 ans, est cadre infirmier dans un hôpital psychiatrique. Il supervise un secteur de pédopsychiatrie qui recouvre trois unités : un hôpital de jour et deux CMP-CATTP. Les équipes sont composées de médecins, infirmiers, rééducateurs, assistantes sociales, psychologues, psychomotriciens, orthophonistes mais seuls les infirmiers et les éducateurs sont sous sa tutelle. Tout ce petit monde se retrouve une fois par semaine dans des réunions où l’on discute notamment des patients.

« Je passe beaucoup de temps à calmer le jeu, souligne Hervé. Les enjeux sont importants : il s’agit de s’occuper d’enfants ou d’adolescents, de leur avenir, les gens sont très engagés, les moyens limités et tous n’ont pas les mêmes visions du travail. » Les semaines d’Hervé sont chargées : entre les réunions dans les unités, celles avec les directions, les multiples rendez-vous avec les infirmiers et les médecins, ceux avec des familles, les contacts avec les établissements extérieurs (école, justice), la gestion des budgets, des emplois du temps et mille autres petites choses : « Si le réseau intranet tombe en panne ou si une ampoule est grillée, c’est également mon job. »

On les appelle désormais les « cadres de proximité » (ou encore manager de proximité) : ils sont cadres infirmiers, responsables d’agence dans une banque, chefs d’équipe dans une usine, chefs de chantier dans le bâtiment, chefs de rayon dans un supermarché, chefs de projet informatique et même rédacteurs en chef, etc. Leur point commun est de superviser des équipes, d’être le relais entre les salariés « de terrain » et la direction. Ils peuvent aussi être en contact avec des clients et d’autres autres services. En plus de leurs activités multiples (gérer les plannings, les budgets, assister aux réunions d’équipe et aux réunions de direction, gérer les conflits au sein de leur unité…), certains poursuivent leur fonction première : au CNRS, un directeur de recherche par exemple reste aussi un chercheur.

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Fin des chefs et montée des exigences

Longtemps, les cadres de proximité étaient des « chefs » dont le rôle était de commander et de surveiller. Dans les hôpitaux, on les appelait les « surveillants ». Désormais, le terme « chef » a été abandonné sauf dans quelques professions où l’on continue à parler de chef : en cuisine (ils sont devenus des héros), dans la presse (les rédacteurs en chef) et dans les salles de concert (les chefs d’orchestre). Mais partout la fonction a beaucoup évolué. Les chefs ont laissé place aux « managers » (et les personnels à des « collaborateurs »). Ce changement de nom traduit une mutation profonde depuis une génération ; le management hiérarchique a laissé place à un management plus démocratique. Le cadre ne commande plus : il anime, écoute, communique, motive, régule. Désormais, il est même sensibilisé aux dimensions humaines du travail : la reconnaissance, la confiance, le sens. Ainsi Hervé a assisté dernièrement à une formation où l’on met en garde contre le harcèlement au travail et où il est question de « bienveillance » à l’égard des personnels.