L'expérience philosophique au Moyen Âge

Quelle place la philosophie, la sagesse des hommes, peut-elle bien avoir face à la « sagesse de Dieu » ? La philosophie médiévale s’est beaucoup interrogée sur l’articulation entre philosophie et christianisme.

Selon le récit des Actes des Apôtres (XVII, 16-34), saint Paul se serait rendu à Athènes pour y fonder une communauté chrétienne ; sur l’agora, des philosophes épicuriens et stoïciens, curieux de connaître cette nouvelle doctrine, demandent à l’entendre ; Paul leur annonce « le dieu inconnu » et c’est lorsqu’il évoque le jugement dernier et la résurrection des morts que ces philosophes se mettent à rire et sans plus rien écouter retournent chez eux. La première rencontre de la religion chrétienne et de la philosophie grecque est un échec cuisant – Paul de Tarse en retiendra la leçon. La surdité de ces philosophes au message du Christ est à ses yeux la preuve évidente de leur orgueil et de leur folie ; dans sa prétention à atteindre la sagesse, la philosophie grecque ne produit en vérité qu’un savoir humain, trop humain, une « sagesse du monde » qui n’a aucune mesure avec la « sagesse de Dieu » (Première lettre aux Corinthiens).

De Platon aux stoïciens, d’Épicure à Aristote, l’idéal philosophique reposait sur cette idée que l’homme en était à la fois la fin, la mesure et l’horizon ; que l’homme avait lui-même à comprendre le monde, sa place dans le monde et à vivre en conformité avec sa destinée qui était celle d’un être de ce monde. Le christianisme rompt brutalement avec cette perspective. L’homme n’est pas destiné à vivre dans ce monde terrestre, il est destiné à un au-delà céleste ; la vérité sur l’homme (sur sa nature, sa destinée, son histoire) excède ses capacités de compréhension, elle relève du mystère de la création ; l’homme ne peut espérer atteindre la sagesse et le bonheur par ses seules capacités sans le secours de la grâce, librement octroyée par son créateur ; désormais, la vérité excède le pouvoir naturel de la pensée humaine et la philosophie, si elle n’est pas ressaisie et transcendée par la révélation et la foi, est promise à l’aveuglement, l’errance et la folie.