La bienveillance en entreprise, mythe et réalités

L’appel à la bienveillance a fait une entrée remarquée dans le management. Simple gadget humaniste qui voile la dureté des relations au travail ou enjeu fondamental de la qualité de vie au travail ?

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« Le monde du travail n’est pas gentil. » D’emblée, les initiateurs de l’Appel à plus de bienveillance au travail, aujourd’hui signé par plus de 300 entreprises, ont pris soin de désamorcer une critique qui vient aussitôt à l’esprit  1. Dès que l’on entend parler de bienveillance dans l’entreprise, les remarques acerbes fusent : « c’est de la philosophie guimauve », « l’entreprise n’est pas un monde de bisounours », etc.

De fait, comment parler de bienveillance quand la pression sur le travail est devenue si forte que l’on voit partout des réductions de personnels, une précarisation de l’emploi, une augmentation du stress et un boom du burn-out ? Dans un tel contexte, l’appel à la bienveillance a quelque chose de décalé, voire d’indécent. Mais, rétorquent ses défenseurs, c’est justement parce que les temps sont durs qu’il faut s’employer à adoucir les relations de travail autant que faire se peut. La bienveillance n’est pas une philosophie chamallow de gentils idéalistes, c’est au contraire un devoir pour les managers qui exigent beaucoup de leurs salariés. Ce n’est pas une berceuse illusoire dans un monde idéal, mais plutôt une exigence humaine face à la dureté des temps.

D’où vient l’idée ?

Ce mouvement en faveur de la bienveillance au travail a pris corps depuis quelques années : il s’inscrit dans un mouvement plus vaste en faveur de la promotion de la « gentillesse » dans la société. L’initiative a été d’abord été lancée par le Mouvement mondial pour la gentillesse (World Kindness Day), un collectif d’ONG, apolitique et areligieux, né à Singapour en 2000 et qui a instauré la Journée internationale de la gentillesse qui a lieu tous les ans le 13 novembre  2.

L’appel à la bienveillance a été relayé à l’école et à l’hôpital, dans les collectivités territoriales. En 2014, le ministère de l’Éducation nationale a publié un guide, Une école bienveillante face aux situations de mal-être des élèves. Destiné aux équipes éducatives, ce guide vise à aider à « repérer les signes de mal-être des élèves », et agir pour « établir un climat scolaire serein ». Concrètement, les personnels sont invités à repérer les signes du mal-être des élèves – indisciplines, jeux violents, signes de fatigue en sont des indices –, puis à alerter l’équipe et agir en conséquence : s’entretenir avec l’élève, recevoir les parents, alerter s’il le faut la protection de l’enfance. À noter que dans ce guide, le mal-être est considéré comme exogène à l’école : le poids des programmes, les mauvais résultats, l’attitude de certains enseignants ne sont pas pris en compte comme sources éventuelles de mal-être.

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Dans les hôpitaux aussi, des chartes de bienveillance ont été édictées. Elles soulignent l’importance du confort psychologique et moral du patient. Être bienveillant, c’est considérer le malade comme autre chose qu’un corps à soigner. Il est une personne, dont il convient de respecter l’intimité. Toute humiliation doit être évitée, tout cas de malveillance signalé.