Le plus souvent, on définit une personne surdouée, ou « à haut potentiel intellectuel », comme quelqu’un dont le quotient intellectuel (QI) est au moins égal à 130 (la moyenne de la population étant de 100). Le seuil de 130 est largement accepté, même s’il reste en partie arbitraire. Il correspond à une charnière au-delà de laquelle nous avons affaire à des niveaux de QI qu’on peut qualifier d’exceptionnels, puisque seulement 2,3 % de la population environ sont concernés.
Depuis leur conception il y a plus d’un siècle, les tests d’intelligence ont pour objectif de mesurer le fonctionnement cognitif global d’un individu. Les personnes ayant les QI les plus élevés sont ainsi généralement plus rapides mentalement, ont une mémoire immédiate en moyenne plus développée et sont, en général, capables de résoudre des problèmes plus complexes que le reste de la population. Un QI au-dessus de la moyenne est un avantage certain, prédicteur de réussite scolaire et professionnelle.
Néanmoins, les cas de surdoués éprouvant des difficultés de vie existent bel et bien, largement documentés par des études de cas et des témoignages détaillés. Dépression, anxiété pathologique, mélancolie ou simplement faible satisfaction de vie : les surdoués ne sont pas immunisés contre ces difficultés du quotidien. Certains auteurs, dont le plus célèbre est peut-être le psychologue polonais Kazimierz Dabrowski (1902-1980), ont même avancé l’idée que si l’intelligence est une force à dose courante, elle devient un poison dans les extrêmes. Cette idée n’est pas absurde en soi, même si elle demande à être confirmée par les faits. Avec un QI de 130 ou de 140, on peut ressentir un décalage important vis-à-vis de ses pairs. Les centres d’intérêt diffèrent, l’ennui à l’école peut devenir inquiétant, pour ne parler que des jeunes. À l’âge adulte, on pourrait imaginer des difficultés d’intégration dans le milieu professionnel si l’éloignement intellectuel reste patent. Dès lors, disent les tenants de cette hypothèse, la bénédiction d’une grande capacité cognitive peut devenir un fardeau et rendre vulnérable, prédisposant à un mal-être, à un sentiment d’inadaptation. Selon cette conjecture donc, un excès d’intelligence aurait un effet négatif, et les surdoués seraient paradoxalement sous-doués pour le bonheur.
Au niveau individuel, il ne fait aucun doute que certains surdoués n’arrivent pas à trouver leur place dans la société et sombrent dans le malheur. Mais ces cas sont-ils plus fréquents ou non que dans le reste de la population, voici une question qui nécessite l’appui de données fiables. Fort heureusement, il existe des enquêtes permettant d’étudier sérieusement le sujet afin de déterminer si dans les faits, au niveau de la population, le haut potentiel intellectuel a plutôt tendance à augmenter ou à réduire le bien-être.
Anxiété et dépression
Étudier le bonheur peut sembler une gageure, mais les psychologues ont développé des méthodes variées pour se faire une idée du bien-être, de la satisfaction de vie au sein d’une population suffisamment grande. Une première technique consiste à étudier non directement le contentement, mais à se focaliser sur des troubles ou des états mentaux qui lui sont statistiquement liés. Ainsi, on imagine que si les personnes à haut potentiel étaient, globalement, moins heureuses que les autres, elles souffriraient aussi plus souvent de dépression (ou montreraient des niveaux de dépression plus élevés) que le reste de la population. Il a souvent été dit, par exemple, que l’intelligence supérieure était « anxiogène », ce qui aurait un impact négatif sur le bonheur.