Sévices publics...

Les employés au contact du public sont de plus en plus soumis à des agressions, souvent mineures, mais source d’un haut niveau de stress.

La scène se passe dans une CAF (caisse d’allocation familiale). Une employée chargée des dossiers de RMI reçoit un allocataire, un homme d’une quarantaine d’années, bénéficiaire depuis plusieurs années. Il vient se plaindre à la CAF qui lui demande en effet de reverser un trop-perçu. Il a touché des allocations de RMI en tant que personne isolée alors qu’il vit maritalement avec une femme qui, elle, a un salaire.
La discussion s’envenime. « Je crois qu’il a essayé d’avoir gain de cause en étant arrogant. Ça n’a pas marché. Alors il est devenu violent », raconte la salariée.
Sentant une menace, l’agent cherche à sortir du bureau pour appeler un cadre à la rescousse. Mais l’homme lui bloque le passage : « Je l’ai trouvé devant moi, il m’a prise parles bras, et il m’a jetée dans les meubles de l’accueil. On a appelé le commissariat de police et j’ai porté plainte (1). »
Un témoignage comme il en existe des centaines chez les agents du service public : postiers, chauffeurs de bus, enseignants, infirmières. Certains, tournent parfois à des violences physiques comme cet enseignant qu’un élève a cherché à étrangler, ce chauffeur de bus qui a reçu un coup de couteau.
Mais le plus souvent, ce sont de petites agressions beaucoup moins graves, plus banales et plus ordinaires. C’est une discussion qui dérape (un parent qui s’emporte contre un enseignant), une insulte qui fuse (« sale con » entendu par un agent EDF venu couper le courant) ; parfois une incivilité (la voiture du facteur rayée au tournevis), une menace (« vous allez entendre parler de moi, monsieur » par cet assuré mécontent d’attendre depuis trop longtemps le règlement de son dossier). Parfois insultes, crachats, gestes obscènes ou même simplement sourire de mépris.

Selon une enquête de la Darès, . Postiers, employés de banques, agents de sécurité, professions de santé figurent parmi les métiers les plus touchés (2). Bien qu’apparemment sans conséquence, ces agressions verbales laissent parfois de profondes blessures symboliques. À la fin de la journée, l’agent rentre chez lui la colère au ventre, colère mêlée de peur, de haine et de désarroi. , note un contrôleur de bus. Et il a décidé de s’armer d’un couteau. , se rappelle Florian, jeune enseignant. Certains avouent avoir eu des envies de meurtre comme ce pompier, confronté à un groupe de jeunes qui, après avoir mis le feu à des voitures, a caillassé leur camion à leur arrivée. Les témoignages d’enseignants qui subissent les agressions des élèves (insultes, menaces, dégradations de leur voiture) disent la honte, la peur et l’incompréhension. La fatigue aussi. Certains sont obsédés par le bruit des élèves, le désordre permanent et les petites provocations : refus d’entrer en classe, de se taire. Beaucoup se sentent humiliés et remis en cause dans leur fonction, mais aussi dans leur identité. , se plaint cet agent EDF, meurtri par les insultes répétées. (1)(2) J. Bué et N. Sandret, « Contact avec le public : près d’un salarié sur quatre subit des agressions verbales », , Darès, n° 15/1, avril 2007.