Face à un petit garçon, âgé de 15 mois, assis sur un tapis, une jeune femme manipule un jouet : une tranche de pastèque en plastique. Elle enferme le jouet dans l'une des deux boîtes, verte ou jaune, posées devant elle, puis s'absente. Quelques minutes plus tard, la voilà qui revient prendre le jouet dans la boîte verte, là où elle l'a placé. Rien de plus normal dans tout cela. Et le petit garçon, qui assiste à la scène, n'est pas particulièrement intrigué.
Mais changeons un peu le scénario. Cette fois, pendant que la jeune femme (qui est en fait une chercheuse) a détourné son attention du jouet, on le déplace de la boîte verte vers la boîte jaune. Le changement a lieu sous les yeux de l'enfant tandis que la jeune femme, elle, n'a pu voir la manipulation. Normalement, elle devrait donc rechercher le jouet dans la boîte verte, là où elle l'avait mis. Or, elle va le chercher directement dans l'autre boîte ! Cela intrigue manifestement l'enfant. « Comment a-t-elle pu savoir ? », semble-t-il se dire...
Tout se passe donc comme si le petit garçon de 15 mois pouvait déjà se mettre à la place de l'autre. Il peut adopter le point de vue d'autrui et sait que celui-ci peut se tromper en certaines circonstances. En d'autres termes, l'enfant peut attribuer à autrui des « croyances fausses ».
Voilà justement ce que semble démontrer cette expérience, qui a fait l'objet d'une publication remarquée dans la revue Science, le 8 avril 2005. L'article, publié par Kristine H. Onishi et Renée Baillargeon de l'université McGill de l'Illinois, a provoqué un certain émoi dans la communauté des psychologues 1. Car cette expérience bouscule singulièrement les données admises jusque-là. En effet, la plupart des chercheurs étaient persuadés que cette faculté à attribuer des croyances vraies ou fausses à autrui n'apparaissait pas avant l'âge de 4 ans.