La cuisine : moteur de l'évolution

La cuisine aurait fait l’homme, c’est la thèse défendue par le biologiste Richard Wrangham. Homo ergaster serait devenu un homme parce que 
nos ancêtres se sont mis à manger de la viande et ont maîtrisé le feu.

Et si la cuisine avait fait des humains ce qu’ils sont devenus ? Et si un régime alimentaire nouveau avait permis à l’espèce humaine de se doter d’un gros cerveau, capable de performances cognitives inédites dans le reste du monde animal ? Voilà la thèse défendue depuis quelques années par quelques anthropologues évolutionnistes 1.

L’une des premières à avoir défendu cette idée est Leslie Aiello 2, une anthropologue américaine qui a élaboré une hypothèse (dite « des tissus expansifs ») selon laquelle le développement du cerveau humain n’a été possible que par une diminution de la taille de l’estomac. Sachant que le cerveau est un très grand consommateur d’énergie (il pèse 2 % de notre poids mais consomme 20 % de notre énergie), l’entretien d’un gros corps se fait à son détriment. Comment résoudre ce dilemme ? En changeant de régime alimentaire.

L’australopithèque était globalement herbivore et frugivore (tout comme le gorille), le chimpanzé a un régime plus varié : il consomme fruits et insectes et chasse de petits mammifères, mais sa consommation de viande reste limitée.

Quand nos ancêtres se sont mis à consommer de la viande, le temps consacré à l’alimentation et à la digestion a été raccourci, car la viande détient un apport énergétique et en protéines très supérieur aux végétaux. Le passage du régime végétal au régime carné a allégé le système digestif, en temps, en poids et en énergie. La digestion de la viande étant plus rapide que celle des végétaux, l’estomac et l’intestin ont pu régresser au profit du cerveau. Chez les mammifères, il existe donc une relation inverse entre la taille de l’estomac et celle du cerveau : quand l’un diminue, l’autre augmente. Cela a été confirmé par une étude récente menée par deux chercheuses brésiliennes et parue en octobre 2012 3. Cette théorie qui met la viande au cœur du développement humain a suscité bien des débats, on l’imagine. Elle fait le bonheur de l’industrie des producteurs de viande et heurte les tenants du végétarisme.